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Met Barran
27 janvier 2014

Mes Eclats de mémoire

Voilà un livre qui rend compte d'une aventure vraie dans le domaine du loisir et de l'espace culturel. Une aventure enfantée, née, grandie et épanouie mais, malheureusement, braquée, assommée à l'âge bien tendre encore de ses vingt trois juillet. Cette aventure c'est celle des "Estivales de Perpignan". Le livre qui la relate, sous le titre "Mes Eclats de mémoire", un très joli volume que l'on doit aux éditions Talaia, on le doit à Marie-Pierre Baux qui en fut la génétrix et le directrice de ce festival à double ADN, méditerranéenne et populaire. Une directrice qui, en fin de compte, sera remerciée pour ou en dépit de ses bons et loyaux services, individuels et collectifs (MPB doit être prononcé et lu comme le sigle d'une équipe), rendus à la création artistique. A l'arc-en ciel de la création: théâtre, musique, danse, chanson...L'enthousiasme était dans les coeurs, l'audace dans le projet et une solidarité opiniâtre des membres de l'équipe pour le mettre en oeuvre et le magnifier par des événements que la petite place timorée de Perpignan ne pouvait imaginer voir croître entre ses murs. Ceux du palais des rois de Majorque, ceux du Campo Santo, ceux de l'Arsenal et du Couvent des Minimes pour citer les principaux écrins dans lesquels seront offerts au public les joyaux des programmations. Joyaux du monde entier, et joyaux du sol ou du sous-sol régional. Un cahier de quarante quatre photos (dont seulement deux en n/b) le remémorent aux lecteurs du livre. Des écrins devenus des lieux de réjouissance (au sens sartrien) pour les gens d'ici et d'ailleurs invités à découvrir, vibrer, s'étonner, partager, et se nourrir de ce que l'Art, qui comme les vents, n'a pas de frontière, peut dispenser en beauté, magie, mystère, évasion ou en vérités profondes et indémodables. Marie-Pierre Baux a sous-titré son livre "Biographie d'un festival", ce qui en dit suffisamment sur son rapport charnel à la manifestation -lors d'une présentation récente dans une librairie, elle en a parlé comme d'ujn "quatrième enfant". Juste sous-titre d'une passionnée, oui, d'une passionaria du spectacle vivant, dont on pouvait craindre (d'aucuns peut-être l'espéraient-ils) qu'elle ne lâchât les fauves de son ressentiment de belle âme injustement éconduite sur quelque cible humaine ou politique. On peut imaginer la déception de certains lecteurs qui, par l'odeur de règlement de compte alléchés, s'étaient précipités pour arracher la belle jaquette du livre et en dévorer le contenu. Très rapidement s'imposait la réalité de ce que la plume (ou la souris) de Marie-Pierre Baux, bien que rompue à la culture antique des tragiques, ou à celle plus romantique et proche de nous, n'était ni dans le fiel, le sang ou les larmes, même si l'on sent, ici où là, mais dans le bleu de l'euphémisme, plus que dans l'aveu rouge, brutal et nominal qu'elle a dû en avoir gros sur la patate et tergiverser dans la contre-attaque avant d'entreprendre le chantier de la rédaction de son témoignage. Précieux pour l'histoire culturelle de notre ville (c'est une actrice de la vie culturelle qui parle et non un chercheur universitaire ou une théoricien de la culture). Précieux pour connaître les grandeurs, servitudes et misères de l'inscription de la création dans les politiques culturelles des cités, capteuses de prestige, suceuses d'énergies ou à penchants caporalisants. Précieux pour revivre le tempo des saisons, à travers une sélection de faits, d'anecdotes et de personnages, parfois d'étoiles: tout ce qui fait la fleur du vivant. L'aventure des "Estivales de Perpignan" (1988-2010) est développée par l'auteur en trois actes suivant la chronologie du festival. Tel lecteur en retirera l'impression que l'attrait et la force de ce festival étaient moins de donner un sens festif au juillet perpignanais que de progresser avec la dynamique propre aux arts plastiques d'un "work in progress", anticipé dans le beau poème de Machado, "Caminante, no hay camino...", inclus par l'hispanisante Marie-Pierre Beaux dans son livre. Tel autre lecteur dira que ce qui s'était bâti, c'était une sorte de... cathédrale, et que l'on ne peut avoir que de la peine et de la colère, à voir ainsi bloqué, détourné ou minimisé l'élaboration, allez soyons fou, d'une "sagrada familia". Tel autre enfin ne saisira peut-être pas du premier coup qu'il s'agit d'une tranche de vie d'un quart de siècle, mais aurait aimé se rapprocher quelques heures ou jours de ces lieux (villa Duflot, Casa Sansa...) hantés par des flamboyants ou des encore lucioles du spectacle. Le livre contient tous les titres de spectacles et les noms des compagnie et de nombreux artistes qui ont été vus, écoutés, applaudis ou discutés... A présent, à livre ouvert, on comprend que la page est tournée et pourquoi. Mais le livre ne s'arrête pas à la fin de l'Acte III. Il se continue dans ce qui relève davantage, peut-être, d'un dossier que d'un récit. Non pas que cette partie soit moins écrite que tout ce qui précède (Marie-Pierre Beaux aime l'écriture simple, vive et colorée et nous entraîne très rapidement à sa suite, disant son admiration ou retenant l'égratignure d'une réserve; évoquant des angoisses, soulignant des joies; on la lit avec plaisir), mais dans ce quatrième acte -qui ne dit pas son nom- affleure le drame d'un désamour entre une ville et l'un de ses agents-bonheur, entre le politique et le culturel. La rupture brutale, sans cendres d'une défaite. Comme dans un plaidoyer pro domo, l'auteur -qui sait qu'elle sera lue aussi bien par le public que par les autorités- explicite les circonstances de sa "destitution" (selon le mot d'une de ses lectrices), le Théâtre de l'Archipel, où tout ce qui s'y exhibe n'est pas du grenat, rappelant des engagements, pointant des responsabilités et même...nommant. Car ce livre, s'il contient beaucoup de chaleur, de liberté et d'humanité, ne s'achève pas...en innocente Arcadie. On peut aimer la Méditerranée et savoir -ou avoir appris dans la négociation des équilibres budgétaires- que tout n'y est pas prodigalité, violon ou rose. "Mes Eclats de mémoire" s'adresse à des lecteurs très divers et sa lecture est fortement recommandée. Dans un pays où la littérature policière domine, un ouvrage de culture, irriguée par quelques citations de nos plus grands auteurs (de Camus à Jerphanion) ne peut faire que du bien. Mémoire documentée, ni larmoyante ni vindicative. Trésor du positif, à l'abri de tout grignotage par l'amertume ou l'acrimonie. Effort littéraire pour transcender et transmettre du vécu, du ressenti, du rêvé sous le sceau de l'honnêteté. Dignité d'un récit subjectif à peine théâtralisé, dans lequel l'emploi du "je" n'est pas celui du narcissisme mais de l'apostolat. C'est aussi une belle et solide  statue dressée pour la postérité qui rappellera aux historiens ce qui se fit dans le domaine du théâtre à Perpignan, à cheval du XX et et XXI èmes siècles, et la belle reconnaissance qu'eut Marie-Pierre Baux, directrice du festival, pour son équipe dédiant à chacun.e de la quinzaine de ses membres qui la composent une note de dictionnaire.  Elle rappelera aussi que les "Estivales de Perpignan", comme "Confrontation" et "Visa pour l'image" ont contribué à l'internationalisation de la ville de Perpignan. "Mes Eclats de mémoire" est préfacé par Mikhaïl Rudy.

 

Nom de plume: Ge. Cherche.

xxx

 

 

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