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Met Barran
29 mars 2014

Eclairage

Puisque le devenir nous glisse des mains, feignons pas d'être, à cet instant, ce que nous sommes, dodus mais reclus au N° 31 de l'impasse Gutenberg.

On a volé, disait l'arpenteur des rêves, les mots de mes bestiaires et les mots de mes herbiers, et tu ne portes pas plainte, l'a interrompu, outré, l'homme au marteau-piqueur assourdissant, à quoi bon, a enchaîné l'arpenteur des rêves si on me les ramenait, avec le méchant voleur pris par le collet, ils ne me diraient rien, obstinément muets par l'humiliation que je leur ai faite subir en ne les aimant, les protégeant, les gardant pas suffisamment, alors l'homme au marteau-piqueur a tourné le dos à l'arpenteur des rêves lucide et désabusé. 

Chez le riche (car il est riche!) l'avarice est presque toujours un rôle de composition. Le pauvre (car, vois-tu, il en est!) est forcé lui, par nature et état, de jouer vrai, de s'exprimer sans maquillage ni effet d'éclairage.

Les murs comme les hommes peuvent dire des bêtises. Celle-ci, entre autres: Le nouveau, c'est de l'archaïque qui s'ignore mais déjà en marche.

On m'a posé une question qui, à son seul énoncé, m'a rendu blême. "Qui es-tu?". Ma gorge s'est nouée. Je me suis mis à trembloter, comme si le parkinsonien pointait en moi. J'avais été pris au dépourvu. J'avais été par trop insouciant. J'aurais du penser qu'un jour ou l'autre, aujourd'hui par exemple, La question me serait posée. Je les ai regardés, ils m'ont toisé: "Qui es-tu?". Je sentais une moitié de mon corps qui se pétrifiait. Mes yeux, sentant le danger, tentaient de se maintenir grands ouverts, surtout celui de gauche avec un non capital dioptrique. "Qui es-tu?" répétèrent-ils. Et je vis deux poings menaçants mais qui n'avient pas encore décidé de leur meilleur point d'impact. Mon drame, c'est que je ne savais quoi dire et que si j'avais su quoi leur dire je n'aurais pu rien articuler. Balbutier, murmurer..., tout cela m'était impossible, interdit! Je commençais alors à comprendre, grâce à la moitié de mon corps que la pierre n'avait pas annihilé, que le temps des conversations aimables, généreuses, rassurantes était terminé, que le temps des interrogatoires lui avait succédé, en beaucoup moins aimable, beaucoup moins généreux, beaucoup moins rassurant. "Qui es-tu?", eus-je l'impression que l'on me répétait encore.

Après avoir bu mon café rare aux arabicas précieux, j'ai regardé par ma fenêtre et j'ai su aussitôt, vieux flair de la transmission agro-rurale, que le soleil ce matin ne nous visiterait pas. Le ciel n'avait pas mis sa jolie t-shirt bleu. Le soleil, me suis-je dit, le soleil doit avoir beaucoup mieux à faire qu'à relever le moral de notre petit recoin de terre en pleine déconfiture. Je me détournais de la grisaille de la fenêtre, me suis rassis et me suis resservi un demi-bol de ce café rare aux arabicas précieux. Et je me suis évadé en supputations, interpellant le marc de ce café, l'incitant à me cracher tout ce qu'il avait dans le ventre, ce qu'il savait, ce dont il se doutait, ce qu'il aurait pu me dire mais qu'il avait promis de ne dire à personne...Je voulais savoir -et j'imaginais que le marc savait- combien d'heures ou de jours la grisaille se jetterait sur moi à chaque fois que je me porterais à ma fenêtre. J'étais déjà condamné à demeurer "chez moi" -"Restez chez vous avec dit le jeune docteur pendant une bonne semaine, ensuite cela ira, doit aller, mieux!". Je ne résisterai pas à la double peine qui m'était infligée par l'état du ciel. Le ciel portait une tristounette chemise sombre dont les boutons avaient même été arrachés un imaginable éclat antérieur. Je pressais le marc de me répondre, il prenait plaisir à retarder, égarer, à masquer ce que je croyais qu'il savait ou aurait pu savoir. J'avais bu une dernière gorgée de café, elle était froide et amère. Quelque chose, de la saveur de la vérité, m'échappait dans ce que, finalement, m'avait dit ou voulu me dire le marc de café rare aux arabicas précieux. Sans avoir cherché le chemin du ciel, ma vue s'y était portée et y scrutait - fol espoir, et vanité de ce fol espoir-une déchirure par laquelle aurait pu se faufiler un rayon de beau temps.

Je n'avance guère dans mon archéologie des indifférences, je la souhaitais savante, elle devient harassante.

Vous ne trouvez pas ça bizarre et honteux qu'une élection nous réduise à un pourcentage? Être un chiffre, ce n'est guère supportable, pourquoi serait-il plus supportable d'être un pourcentage?

 

LET'S & GO

 

xxx

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Met Barran
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