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Met Barran
6 août 2014

Georges Tournal dalinien perpignanais.

Les déferlantes abstractisantes et conceptuelles qui s'abattirent au début des années 1970 dans les Pyrénées-Orientales y gagnant, grâce à telle ou telle locomotive ointe par le système ou l'anti-système, de prodigieux territoire, ont recouvert ou marginalisé d'autres engagements artistiques qui, eux, guerroyaient avec des oriflammes différents. Nous pensons ici à l'oriflamme surréaliste brandi par quelques étudiants de l'école des Beaux de Perpignan, qui en ce temps n'avait pas été encore magnifiée en Haute Ecole d'Art et se satisfaisait d'une plus modeste titre d'École Municipale de Dessin et d'Arts Appliqués (papier à en-tête en faisant foi). Il est vrai que c'était la province, et que dans les capitales qui avaient été affectées par la révolution surréaliste, on était passé depuis à d'autres démangeaisons rationnelles ou irrationnelles faisant avancer ou stagner le cours jamais naturel de l'Art. La province et donc celle de Roussillon traînait la savate surréaliste. N'empêche que c'est Salvador Dali le voisin d'outre-pyrénées, l'original de Figuères-Port-Lligat-Cadaquès (mais pas encore de Pubol) qui avait communiqué ses virus surréalisants à travers l'immensité, le décorum et l'audace tantôt physico-religieuse et tanto érotico-métaphysique, d'un génie trinitaire puisque croyant en Dieu, en Freud et Pagès (le médecin perpignanais antigravitation). N'empêche que le Salvador à sa manière littéraire, radiophonique et audiovisuelle s'était fait -prié, supplié ou pas-le chantre de la gare de Perpignan. N'empêche que lorsque l'on est un patron international de la médiation de sa personne et de son art on attire sans doute la convoitise, mais plus sûrement encore les disciples, les admirateurs. Le Salvador ne fut pas un rock-star, il fut mieux que cela l'archétype de la rock-star. Vérifiez vos éphémérides!  Alors difficile, et bien sot celui ou celle qui, l'aimant, n'ait pas tenté de se rapprocher de lui et de se voir reconnu comme l'un de ses vrais proches. Il y avait le renom planétaire et cet accent que goûtait tout l'hexagone, et puis il y eut, dans un coin de l'hexagone, un certain voyage triomphal du grand Maître (quand on a une canne à la main, que l'on porte des chemises rayées ou à fleurs et que l'on dresse les extrémités sa moustache en stalagmites, on mérite sans discussion ce titre). Il y eut ainsi le faramineux, l'impayable, le spectaculaire Dali débarqué à Céret en prince toréador et à Perpignan en roi de Cocagne. Il y eut le train: le teuf-teuf-touf alors encore de vapeur et lien inter-villages, et il y eut encore aussi la calèche, faute de tram,  glissant de la Gare à la Loge et à Sant-Vicens, Salvador et Gala -comment l'oublier? Il y eut même une pause pipi: dans les toilettes d'une charmante mais feue petite gare, à Corneilla del Vercol (par saint Pierre Jonquères d'Oriola, je jure que c'est vrai). Il y eut donc un (et comme on ne donne qu'aux riches) plusieurs miracles et conversions. Des témoins, alors badauds en culottes courtes et repoussés par des agents de ville pour ne pas être écrasés par le convoi de son Altesse, peuvent encore vous en parler. Comme celui qui tient et insiste à ce que soit remémoré l'existence de jeunes peintres ou étudiants, prouvant que le surréalisme avait bel et bien des adeptes à Perpignan, et en Roussillon. Que, notez-le, de jeunes créateurs semèrent dans les mêmes sillons que ceux tracés par Dali. Se contrefichant qu'un André Breton, papiste en diable des écritures automatiques, l'ait balafré d'un insoluble "Avidadollars". Ou se montrant indifférents à l'excommunication, l'oukase de parti, qui entendait le frapper comme monarchiste, catholique et franquiste. Ces artistes (les "bretons" qui bivouaquaient du côté d'Opoul et "les non-bretons" posés à Perpignan) prenaient leur pied (on lança, à l'époque l'expression, sur le marché lexical)  à égayer ou tourmenter leur ego en libérant à haut-débit les panses de leur imagination ou de leur rêve, les allégeant de tout ce qui s'y dépose ou y transite, venu du conscient, de l'inconscient et d'une station (peut-être) intermédiaire: le subconscient. Ce tout (ou rien)  que le crayon bloque sur la toile ou le papier, que la main construit avec ou sans fil à plomb, que la peinture travaille à chaud ou à froid, ou au gré de la saison qui s'impose. Ce tout (ou rien) qui fait oeuvre, ou pas. On connaît un peu de l'histoire des "bretons". Ils se firent remarquer, au début des années 1970, par une tonifiante exposition dans le vestibule de la salle Arago, sous le titre "Et ta soeur" et avec un catalogue qui titilla l'air du temps "Ces messieurs vous disent". Michel Pagnoux, l'un d'entre eux, est toujours là pour en parler et modifier, quand la vérité y invite, d'une ou deux voyelles ou consonnes ce que l'on en raconte. Des "non-bretons", en revanche, qu'en sait-on? Qu'en a-t-on (re)gardé? Sait-on qu'ils eurent un temps cimaises offertes à la (feue) galerie perpignanaise des Rois d'Aragon, au n° 1 ou 2 rue du Théâtre? Que l'un d'entre eux (qui ne s'en laissait pas compter et avait une faim de loup) s'appelait Gérald Moreno (il mourut trop jeune!) et qu'un autre Georges Tournal (si vous avez le goût de la navigation websphérique vous ne manquerez pas de le rencontrer dans ce résidentiel que l'on appelle aujourd'hui U.R.L., car nous sommes bien loin de la cabane Thoreau. Tournal est revenu au pays après avoir peint et enseigné en terre d'ailleurs. Trop discret pour avoir claironné son retour. Tournal est la figure même du dalinien perpignanais. Même si son travail a su quelquefois s'éloigner de la "facture" du Maître, flânant ou bêchant sur d'autres territoires pour se gagner une singularité louable. Tournal aimait Dali. Il l'avait approché. Il en reçut de la sympathie et de l'attention réelle pour ses recherches. Le Maître prit du temps à visionner ses premières diapositives, à juger de ses premières lithographies. Tournal Georges/Jordi l'a-t-il déifié? Quand on a à peine vingt ans et que l'on apprend que divin se promène dans les rues de sa ville, il aurait été bien mal élevé de ne pas aller à sa rencontre, de ne pas éprouver le frisson de sa proximité? L'a-t-il mis, pour autant, dans sa poche? Mais ce qui est indéniable c'est que dans son album photographique figure Dali. A sa droite, à sa gauche, ici avec le critique Descargues, là avec le chanteur Antoine. Nostalgie? Certainement. Consolation, aussi. Mais surtout témoignage: avant le conceptuel le fantastique avait pignon sur rue à Perpignan.

Gilbert Lapalu de Pibrac, de passage.

xxx

 

     

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