La Rencontre en 1914-18

25 novembre 2014

La Rencontre en 1914-18

Les créations théâtrales sont rares dans la ville natale de Hyacinthe Rigaud, ami de la pompe royale. Elles sont tellement rares ces créations, non pas rapportées, succursalisées, franchisées, mais de véritable extraction locale, que dès que l'on connaissance de l'une d'elles, il faut y accourir et sans hésitation aucune dès lors que l'on sait qu'elle émane d'une forte référence dans le paysage culturel régional, à savoir le Théâtre de la Rencontre. Une forte référence construite en dehors de tout marketing mensonger. Par la passion, la longévité d'un engagement, et le nombre de projets portés à bon port et baladés sur les chemins de France, d'Europe et par-delà l'Atlantique. L'âme, le pilier, la signature (la plus visible) du Théâtre de la Rencontre, c'est Guy Jacquet. Celui qui ne s'est jamais laissé dévoyer de sa ligne: porter sur une scène de belles, divertissantes mais intelligentes choses. Les intelligentes choses étant celles qui s'ouvrent au monde pour lui donner plus que pour lui prendre, qui sont des histoires d'hommes et de femmes, d'un lointain ailleurs comme d'un plus proche aujourd'hui aussi bien que de temps intermédiaires. La Théâtre a une histoire au très long cours, Jacquet le sait, et ne la malmène pas. De l'esprit de la ruche, il a pris le secret de la reine des abeilles et du bon miel. Le travail collectif il connaît comme le travail sur soi. C'est ce qui lui a permis de visiter de grands mythes (vous souvient-il d'Ulysse?) et de tutoyer quelques grands auteurs du dramatique XX° siècle (James Sanders, do you know? Cet humaniste, tel nous apparaît-il, qui ne pérore jamais, les mots ne sont pas des cacahuètes, a une double vertu: théâtrale et pédagogique. Il croit, fier sur planches, à Perpignan comme en Avignon, à une citoyenneté par le théâtre et ne s'est pas dépris d'un théâtre qui transforme (l'individu et le groupe). Héritage brechtien? Pas seulement. Pieux? Peut-être. Mais il faut dessiller ou décomplexer notre comprenoir. Et sans perdre de vue notre palpitant: ce petit coin qui cloche/cloche aux grandes émotions. En effet, les choses émouvantes ne s'opposent pas aux choses intelligentes. Les aventures scéniques de Guy Jacquet, pour autant que l'on puisse en donner une courte et hâtive synthèse, tant dans le théâtre pur comme dans le tour de chant (souvenez-vous, Montand! et cette chanson d'un gars qui a mal tourné du génie beauceron!) se sont toujours déployées à partir de deux élans: l'intelligence et l'émotion, au service d'un texte, d'une écriture, d'une "situation d'écriture", déjà consacrée ou en en formation. Le Théâtre de la Rencontre, pour revenir au départ de cette digression nous propose ce week-end sa toute dernière création "Paroles de 14/ mémoire de 18." "Je Vous Aime Pour la Vie". Une façon de montrer que l'on ne veut pas être absent des commémorations du centenaire du début de la Grande Guerre, mais que l'on répond présent en science et conscience des événements, avec une compassion lucide et critique. La parole des Poilus -et du front, de la tranchée; les inquiétudes, les pleurs des familles, à l'arrière, là-bas. Il s'agit, nous est-il rapporté, d'une création collective, mise en scène par Guy Jacquet, également protagoniste aux côtés de Frédérique Bugeau, Aline Seyres, Marielle Somme, Christian Albert, André Stuber. Des acteurs, des lecteurs, des musiciens. Une distribution paritaire. Il semble que le héros de la pièce ne soit pas Joffre. La vidéo (anachronique) sera-t-elle de la partie? Le son musical, oui. Quelle meilleure bande son pour faire époque, que celle des chansons. Celles, par exemple, de Botrel, d'un Montéhus, ou d'un Francis Lemarque. La poésie, elle n'y manquera pas non plus. Dans la gravité des anonymes, comme dans celles des plumes reconnues: Apollinaire, Brecht ou... Walt Whitman.