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Met Barran
8 septembre 2015

La " quarantaine " du capitaine François de Fossa

 Le 31 août 1815, François de Fossa fête à Paris son quarantième anniversaire. Il est toujours célibataire et vit auprès de Miguel Joseph de Azanza, son épouse et son neveu. Fait-il de la musique? Peut-être. Mais sa préoccupation principale es de voir son sort militairement scellé une fois pour toutes. Les Bourbons sont revenus, il se soumet à eux. Mais...il faut attendre, attendre et réclamer, se rappeler au bon souvenir. Il est impatient, d'autant que le 11 août passé, l'ordonnance qui a été prise et portant sur la réorganisation des corps d'infanterie français, avive en lui la flamme de l'optimisme. Peu-être même pince-t-il de la guitare. Et le voici prenant connaissance d'un courrier du 16 septembre, où

Le Lieutenant Général Chef de la 2 Division certifie qu'il résulte du procès verbal des séances de la Commission créée, par ordonnance Royale du 31 mai 1814, pour l'examen des services de MM les anciens Officiers, le dit procès verbal en datte du 17 février 1815, que M. De Fossa (françois) porté sur le 22e tableau n° 36 a été jugé susceptible d'obtenir le grade de Capitaine pour prendre rang du 20 avril 1804, et qu'il a été reconnu avoir dans ce grade dix ans six mois sept jours de service y compris quatre campagnes, et huit mois vingt huit jours de séjour aux colonies. Fait à Paris le 16 septembre 1815. Signé Bon d'Hastrel” (La copie conforme en date du 21 septembre porte le nom du chef du bureau Denouet).

De Fossa n'en est jamais à une lettre près. Il aime écrire et il ne manque pas de style diplomatique pour que sa personne ne soit pas oubliée ou négligée. Il tient à rappeler ses états e services et ses...sacrifices. Le 21 septembre, du n°4 de la rue St Hyacinthe-St Honoré où il réside, le Capitaine de Fossa prend sa plume et écrit, tout bonnement"  “A son Excellence Monseigneur le Comte Gouvion de St Cyr, Maréchal de France, ministre de la Guerre” ce qui suit

“Monseigneur/ Emigré en Espagne depuis le mois d'avril 1793, j'entrai dès lors au service de la branche de l'auguste maison des Bourbons qui en occupe le trône.

Plus de 22 ans de service effectif, et durant cet intervalle quatre campagnes de guerre, deux blessures et six ans de séjour dans les colonies, tel est l'extrait de mon état de services qui pourra être aisément vérifié dans les bureaux du Ministère, sur le 22 e tableau de la Commission où je suis porté, sous le N° 36, pour le brevet de Capitaine, ainsi que le prouve la copie ci-jointe.

Je me croirais payé avec usure des nombreux sacrifices que j'ai faits, et que je n'hésiterais pas à refaire encore à la cause du Roi, si pour prix de mon dévouement sans bornes à sa personne Royale de mes services à son illustre famille, je méritais d'être employé dans l'infanterie de sa Garde.

Je supplie humblement Votre Excellence de daigner m'accorder cet honneur; et si les places se trouvaient destinées à des officiers qui auraient eu plus d'occasions de manifester leur zèle, mais à qui je ne céderai jamais en bonne volonté, je prierais alors Votre Excellence de vouloir bien m'employer dans une Légion Départementale1. Je viens à peine d'atteindre ma 40e année, et je me flatte d'être à même de me rendre utile/ J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect Monseigneur De Votre Excellence le très-humble et très-obéissant Serviteur F. De Fossa”.

 Preuve que la lettre a eu un lecteur, ces quelques notes, résumé à l'encre noire,  sur le coin supérieur gauche du courrier.

M. De Fossa (françois) ancien officier, âgé de 40 ans, porté sur les derniers tableaux de la Commission pour la Croix de St Louis et le brevet de Capitaine, faisant partie du bataillon d'officiers sans troupes commandé par M. De Clugny, Demande de l'emploi dans l'infanterie de la Garde Royale, ou dans une Légion Départementale.” Mais, François de Fossa aura la satisfaction de recevoir une véritable réponse. En témoigne le document ci-après.

"Aujourd'hui vingt trois septembre 1815  le Roi étant à Paris, prenant une entière confiance en la valeur, la bonne conduite et la fidélité de Sr de Fossa (François) ancien officier, Sa Majesté lui a conféré le grade de capitaine d'infanterie pour tenir rang à datter du vingt avril mil huit cent quatre et avoir dans ce grade dix ans, six mois et sept jours de service y compris quatre campagnes.

Mande Sa Majesté à ses officiers généraux et autres à qui il appartiendra de reconnaître le Sr de Fossa en cette qualité". Par ordre du Roi. Le ministre Secrétaire d'Etat de la Guerre: Signé : Duc de Feltre." Copie du brevet de Capitaine expédié le 23 septembre 1815 à M de Fossa."

Heureux, François! Sans doute ne le cache-t-il pas à son protecteur Azanza. La Deuxième Restauration donne ainsi sa chance à l'ancien émigré et le voilà enfin admis au service de la France avec un brevet de “capitaine d'infanterie”.

Ce 23 septembre 1815, le fils de la rue Na Pincada à Perpignan tourne une nouvelle page de sa biographie. Et comme, semble-t-il un bonheur n'arrive jamais seul, il se voit décoré,  le 25 septembre, de la Croix de l'Ordre de Saint-Louis. Difficile d'imaginer qu'il ne s'est pas auto-récompensé de quelques notes de musique qu'il a fait partager à son entourage. En cette fin septembre 1815, cela fait vingt et un mois, que François est... parisien, cependant il est un doaine où sa correspondance avec sa Thérèse Campagne demeure plus que discrète, absolument muet, c'est celui de sa vie sentimentale, dont par le passé, a Cadix ou à México, il ne manquait pas de décrire des détails scabreux à sa sororale confidente. Rien des amours de notre capitaine en attente d'activité n'y transpire. 100 % pudeur! Mais ce n'est pas parce qu'il ne lâche ni un mot sur la musique ou le sexe féminin, qu'il ne pratique...pas. De l'Espagne non plus, il ne parle guère, l'a-t-elle oubliée pour autant? Mais le choix a été fait, il a choisi de rester en France

 La vie quotidienne à Paris n'est pas pour lui meilleure qu' à Madrid. Les difficultés économiques persistent. Cependant, conscient d'être un poids  pour son protecteur Azanza, hier l'un des principaux ministres de Joseph Ier,  aujourd'hui  en exil, duc de Santa Fe  mais disgracié et en exil, Fossa s'était démultiplié pour se faire nomme officier. Son sort en serait amélioré, différent en tout cas de celui qu'il connaissait et partageait avec d'autres réfugiés d'Espagne.

L'uniforme et le grade après lui étaient acquis. Mais de  l'armée il attendait qu'elle le réjouisse en comblant ses souhaits . Oh! De peits souhaits, comme celui d'avoir la possibilité de choisir sa Légion.... On venait de l'affecter dans la Légion de l'Allier, lui espérait celle de l'Allier . Y connaissait-il quelque officier. Un document propose F. De Fossa, officier émigré pour occuper un emploi de Capitaine dans la Légion de Seine et Oise.  M. De Fossa a déjà été nommé à un emploi de son grade dans la Légion de l'Allier. Il demande aujourd'hui a être employé sous les ordres de M. Le Comte de Juigné1 de qui il est avantageusement connu”.

1: Jacques Anguste Anne Léon Le Clerc (1774-1850), comte de Juigné. Il avait été nommé colonel de la légion des gardes nationales de Seine et Oise le 12 octobre 1815

 Malgré les requêtes présentées et les appuis sollicités,  il n'obtiendra pas satisfaction. La hiérarchie le trouve-t-il trop exigeant, ou  trop peu reconnaissant?  Il ne lui restera que le salut dans l'obéissance et  qu'à rejoindre  cette Légion de l'Allier qu'on lui a imposée. L'incorporation de Fossa dan l'infanterie française aura connu plusieurs temps. Le temps du "volontaire royal", le temps du capitaine en disponibilité et enfin le temps de capitaine activité. Mais pas de précipitation. Trois mois et vingt jours s'écouleront entre le 23 septembre 1815 et le 12 janvier 1816, avant qu'il ne soit en garnison .

C'est  toujours de son adresse parisienne qu'il adresse,  le 4 novembre 1815,  à “Mgr le Duc de Feltre,1 Ministre de la Guerre” cette supplique :

"Ne possédant plus rien en France, où tous mes biens ont été vendus par suite de mon émigration, je n'ai, pour subister, d'autre ressource que les appointements que la bonté du Roi daignera m'accorder", en attendant, précise-t-il, "que j'obtienne d'être employé activement dans un corps, comme je ne cesse de le demander".

1: Le Duc de Feltre est Henri Jacques Clarke Comte de Hunebourg qui avait été ministre de la guerre de 1807 à 1814, et le redevient en cette année 1815 sous Louis XVIII, qui le fait maréchal de France.

A peine sept jours plus tard, le 11 novembre 1815François de Fossa qui ne paraît en pas craindre  l'entorse de l'épistolier  récidive, assouplissant un tantinet l'échine:

""Après avoir passé presque toute ma vie au service de l'auguste maison des Bourbons en Espagne, lorsque le noble but auquel j'ai sacrifié ma fortune en France fut atteint l'année dernière par les souverains alliés, je m'empressai d'offrir au Roi mes services par l'organe de la Commission qui me jugea susceptible de la croix de St Louis et du grade de Capitaine...."??? à des émigrés, anciens et dévoués serviteurs qui, après avoir tout sacrifié à la cause de leur souverain légitime, ont constamment servi les Princes de son  illustre famille, et qui, rentrés dans une Patrie où ils ne possèdent plus rien que le souvenir d'avoir toujours leur devoir, seraient condamnés à y mourir de faim si on leur refusait le solde d'un grade qu'ils ont acheté au prix de leur dévouement, de leur sang et de leur fortune." Certifié par ...Le Cte Auguste de Juigné.

Dans un rapport particulier, qui est daté du 25 novembre et présenté par le Colonel de la Légion en Seine et Oise pour faire partie de la dite légion en qualité de Capitaine, on peut  lire, à la suite des  données sur l'identité, les services et campagnes, cette appréciation:

"bon officier; moralité: sentiments distingués, principes: surs et confiants, fortune: anéantie par l'émigration;  non marié, physique: tournure militaire, taille moyenne."

Ce qui précède constitue, de fait, la première fiche militaire française. de François de Fossa. Mais sur le plan de la solde ça ne hâte guère le pas et le 10 décembre 1815, François écrit à M. de Frêne, chef de bataillon de l'Infanterie, pour obtenir de lui :

"un certificat qui atteste que moyennant les pièces déposées au bureau de l'infanterie (il a) des droits à la solde de non activité jusqu'à ce qu'il soit employé".

Encore un bon mois et François de Fossa dans habits neufs de capitaine d'infanterie de la Légion de l'Allier verra s'ouvrir à Moulins un nouvel horizon et commencer un périple qui d'affectation en affectation lui fera découvrir de nombreuses régions et ville des France. Une vie de "migrations" - ce qui n'était pas pour lui une expérience nouvelle.

 

 

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