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Met Barran
25 août 2016

François de Fossa en V anniversaires.

Le 31 août 1796, François de Fossa (31 août 1775-3 juin 1849) , le jeune perpignanais émigré en Espagne, au lendemain de l'exécution de Louis XVI, fête ses 21 ans, hors de Perpignan, sa ville natale.  Mais où est dans quelles conditions. Il y a eu la guerre, et il s'est enrôlé contre ceux qu'il désignent dans des lettres par une seule initiale p. (le p de patriote). Le 19 août  intervient un traité d'alliance franco-espagnol. Démobilisé celui qui se désignait comme un "blanquillou", quitte Gérone où il a demeuré plusieurs mois pour Barcelone. Fêtera-t-il son anniversaire dans cette ville catalane qui, à le lire, ne l'enthousiasme guère?  Il y a de fortes probabilités pour le oui. Mais l' a-t-il  fêté avec cette demoiselle qu'il a présentée dans une lettre à sa soeur du 5 mars ainsi:  "J'ai fait hier la connaissance d'une très jolie demoiselle castillane et non pas catalane, qui a son père colonel d'un régiment et trois frères au service du roi. Elle est très bien élevée; il n'y a qu'à gagner à tous les égards à la fréquenter et cela me perfectionnera en outre dans sa langue." Ou plutôt chez  l'une des demoiselles de son pays dont il parle dans cette même lettre:  "Après dîner je m'habille et je passe ma soirée tantôt chez les De Noguer, tantôt chez Mlle d'Ortaffa, chez Mlle Noell, etc..." En automne, François de Fossa quitte Barcelone pour Madrid. Il y arrive  le 27 octobre "en carosse à six mules et il m'en a coûté 30 douros la voiture seule mais aussi nous avons été comme des princes", écrit-il dans une lettre à sa soeur Thérèse , dans un courrier rédigée le lendemain.  Il lui annonce qu'il est "chez mon cousin qui m'a reçu le mieux du monde ainsi que sa femme". Une lettre du 8 novembre confirme qu'il est toujours "chez mon cousin et j'y suis le mieux du monde". Le fait de se retrouver en famille et de penser que ce cousin, Jean Jaubert, qui est militaire lui trouvera un emploi "dans l'armée à Sant Roch". Mais la prochaine destination de l'émigré sera Cadix avant d'embarquer pour Véracruz comme page de Miguel Joseph de Azanza, ancien ministre de la Guerre, nommé vice-roi de la Nouvelle Espagne (Mexique).

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En août 1806, François de Fossa qui a passé son précédent anniversaire chez lui, à Perpignan, ville qu'il avait quitté depuis treize ans, ne vit pas les meilleurs jours de sa vie. Le retour de la Nouvelle Espagne sur le continent et à Cadix, où les retrouvailles avec l'une de ses anciennes amoureuses, Jeannette Lynch Vaugham, lui avaient fait espérer enfin le bonheur, se transformait en catastrophe économique  et sentimentale. Il écrit à sa soeur "plains moi d'avoir tout sacrifié à une hypocrite que peu de personnes connaifsent parcequ'elle a le talent de la fourberie & de la difsimulation." (Cadiz 22 août 1806). "Point d'emploi jusqu'à présent. Le Général me reçoit bien, m'invite quelquefois à manger sa soupe, m'afsure qu'il ne m'oublie pas, et voilà tout. On a fait ces jours-ci courir le bruit qu'on allait le nommer viceroi du Mexique. Si cela était je ne balancerai pas à demander à l'y accompagner. Connaifsant le pays comme je le connais je n'y perdrais pas le tems pour cette fois. Au surplus que fais-je en Europe? Etre à charge à tous mes parents et amis, m'être à charge à moi-même ( Cadiz 29 août 1806). On voit dans quel état devait se trouver François de Fossa le 31 août, jour de son 31 ème anniversaire. Là encore, une lettre à sa soeur permet de le ressentir:  "Tu as bien raison, ma bonne amie, de croire que je ne t'auraios jamais quittée si j'eufse connu à tems le monstre que j'adorais. Je suis bien cruellement puni de tous les sacrifices que j'ai faits pour elle. Malgré toutes mes résolutions de n'y plus penser, elle me fait encore pafser de bien mauvais moments: il est vrai que l'amour n'y est pour rien et que ce ne sont que des mouvements de rage d'avoir été trompé si longtems; mais d'une façon ou d'autre je fais encore du mauvais sang à son occasion." (Cadiz 5 septembre 1806). Fossa en prend son parti et quittera Cadix -qu'il écrit Cadiz- pour Madrid.

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Dès 1816, François de Fossa appartient au 3e Régiment d'Infanterie de Ligne (antérieurement dénommé Légion de l'Alliers). Son régiment qui se trouvait à Moulins se rend à Bordeaux.  Dans une lettre de Gannat en date du 12 août 1816, il informe Thérèse de la feuille de route de son capitaine de frère. L'arrivée à Bordeaux est fixée au “3 septembre”. L'itinéraire à suivre  sera le suivant:“ le 18 à Montmarault, le 19 à ? (Domérat), le 20 à Gouzon; le 21 à Guéret, où nous séjournerons le 22; le 23 à Bourgaganeuf; le 24 à St Léonard; le 25 à Limoges où nous séjournerons le 26; le 27 à Chalus; le 28 à Thiviers; le 29 à Périgueux, où nous séjournerons le 30; le 31 à MUCIDAN; le 1er septembre à Montfort; le 2ème  à Libourne, et le 3 ème à Bordeaux”. De Périgueux, le 30 août, le capitaine fait à sa soeur à Perpignan le récit d'une fête à Limoges: "J'avais l'intention ma bonne amie de t'écrire de Limoges, mais nous y sommes arrivés le jour de Saint-Louis et les fêtes auxquelles nous avons participé ce jour-là et le lendemain ont absorbé tout mon tems. La Ville a donné un superbe dîner de 700 couverts, où ont assisté toutes les autorités. Plus de 20 officiers de la Légion y ont été invités, et j'étais du nombre. Les tables étaient dressées en plein air dans des allées couvertes d'une très jolie promenade. J'ai vu peu de fêtes aussi brillantes et bien ordonnées". Dans cette même lettre, donc la veille de son anniversaire, il confie à sa soeur avoir fait la connaissance du Général Lasale, ancien émigré,  commandant du Département. Ce dernier, ajoute-t-il, "ne visite que les officiers de son bord". Il note encore "l'acueil froid que nous avons trouvé presque partout, depuis que nous avons quitté le Bourbonnais" ce qui n'est pas une louange de la Dordogne.  Dans autre lettre, certes non datée mais proche de la précédente, il souligne son désagrément. "Je me suis trouvé logé chez un Mr qui m'a reçu honnêtement...mais m'a envoyé à l'auberge. Rien n'humilie plus un officier; il semble que c'est une marque de mépris et je l'ai éprouvée plus d'une fois dans mon voyage." Début septembre, le voilà à Bordeaux. Il n'est pas du tout invraisemblable qu'au cours de son séjour dans la capitale de l'Aquitaine, il y rencontre Francisco Borja de Riquer, espagnol afrancesado réfugié qui y vit gagnant sa vie en donnant des leçons de guitare. Ce Borja de Riquer, c'est bien sûr, le Marqués de Benavent, une très ancienne connaissance familiale des Fossa de Perpignan, ville où il avait passé plusieurs années avant que n'éclatât la Révolution. D'ailleurs Fossa cite le Marquis en cette année 1816. (Il le fait dans un courrier rédigé à Paris le 8 août 1847 et adressé au musicologue Louis Picquot): "...En 1816 Mr P.-J.J. Le Duc, éditeur et marchand de musique à Paris, ayant un magasin de musique à Bordeaux allées de Tournay n° 19, obtint de M le Marquis l'autorisation de publier les oeuvres posthumes de Luigi Boccherini, composés à Madrid pour lui et sous ses yeux, et proposa par souscription aux amateurs  12 quintetti pour deux violons, 2 altos et un violoncelle. Je quittais la garnison peu de temps après; je ne sais donc si l'éditeur remplit l'engagement consigné dans son prospectus, de faire paraître dans le courant de 1817 ces  12 quintetti. Il est à remarquer que l'auteur y avait mis une partie de guitare obligée, tout exprès pour Mr de Benavente. L'éditeur crut assurer le succès de sa spéculation en transformant cette partie de guitare en Ier alto: travail qui fut confié à Mr Garnault, élève du conservatoire, professeur très distingué; mais ces quinteti ainsi retouchés ne rendaient pas toute la pensée de l'auteur qui y voulait une guitare et un seul alto."

Note 1: François de Fossa écrit"M. de Benavente" alors que dans les premières lettres de sa correspondance, les deux ou trois fois où il évoque ce personnage, semble-t-il bien connu de sa soeur, il écrit “benabent”. En fait c'est Benavent. Installé à Madrid, ayant quitté définitivement Barcelona où il a vendu tous les biens hérités de son père, il  a tout simplement castillanisé son patronyme.. De la même façon, François de Fossa, castillanisa-t-il  un temps le sien en Fosa pour pouvoir passer en Nouvelle Espagne (Mexique).

Note 2: Mucidan= Mussidan, en Dordogne dans le Périgord Blanc.  François de Fossa a adopté la graphie "Mudican" que l'on trouve sur  la carte de Cassi, représentant la France entre 1756 et 1789. Depuis 1790, cette commune était le chef-lieu du canton de Mussidan. Le maire de la localité d'environ 1500 habitants en est à l'époque (1815-1817) Bardy Fourtou.  En ce 31 août, jour de son quarantième anniversaire, il a peut-être suivi la messe en l'église Saint-Georges.

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 Si l'abondance des lettres de François de Fossa à sa soeur est un puits d'informations historiques et anecdotiques, nationales et familiales, la disparition de sa soeur Thérèse Campagne au début de l'année 1823 et son mariage avec Sophie Vautrin en décembre 1825 assèche ce puits épistolaire. On aimerait pouvoir éclaircir si son 61 ème anniversaire, le 31 août 1826, il le fête à Perpignan, où se trouvent alors les Ier et le 2 ème bataillons ou à Montauban  où est stationné le 3ème bataillon du 3ème Régiment d'Infanterie de Ligne. Ou à Paris , où il logeait à l'"hôtel d'Aumont1 rue de la Mortellerie2, N° 12", ainsi qu'il en fait part à son beau-frère, Joseph Campagne, le 23 avril. Une année 1826 avec des satisfactions. Dans le rapport annuel d'inspection, on peut lire: "bon officier, zélé, commande bien, remplira à merveille la fonction de major; a de l'éducation et de l'instruction". Chef de Bataillon depuis la campagne espagnole de 1823 des Cent Mille Fils de Saint-Louis , il est, à présent,  Major, comme il le désirait par permutation.  Autre satisfaction, il est père au cours de l'année, de Victor, le premier des trois enfants que lui donnera son épouse Sophie. Satisfaction aussi, en tant que compositeur de voir plusieurs de ses oeuvres éditées. Sastifaction encore du retour de Russie de Frenando Sor, se rapprochant de l'Hôtel Favart et de Dionisio Aguado qui y séjourne et collabore avec lui. Voici ce que l'on pouvait lire le 21 juin et le 27 septembre 1826: Souscription à une  méthode complète de guitare, publiée en espagnol par don Dionisio Aguado, traduite en français par M. de Fossa, sous les yeux et suivant l’intention de l’auteur, sur le manuscrit corrigé et augmenté pour servir à la deuxième édition espagnole. In 40 d’une demi-feuille. Impr. De Gaulthier-Laguionie, a Paris. "Et entre autres nouveautés, l'éditeur  N. Simroch, de Bonn  indique dans la catégorie  "Für die Guitare", deux transcriptions d'ouvertures d'opéras. "Ouvert. De l'Opéra: Elisabeth, de Rossini arrangée p. Guitare et Piano 2 Fr. Ouverture de l'Opéra: Didon, de Piccini, arrangée p. 2 Guitares. 2Fr 25."  Chagrin cependant en apprenant que le 20 juin 1826, Miguel José de Azanza, duc de santa Fé, espagnol afrancesado, longtemps bienfaiteur de François de Fossa (il le présentait dans une lettre à sa soeur comme son "second père"), s'est éteint au n° 9 de rue des Carmélites à Bordeaux, où il s'était fixé après un très bref et décevant retour à Madrid. Il était âgé de  80 ans. Déception de ne pas avoir abouti dans son souhait de recouvrer le "de" que l'on avait supprimé de son nom, ce pourquoi il avait engagé bien avant son mariage des démarches . Mais en vain. De Paris, le 9 octobre 1826, il écrit à S. Exc Monsieur le Marquis de Clermont-Tonnerre, Pair de France, Ministre et secrétaire d'Etat, au département de la guerre, en ces termes: "Profondément blessé d'une supression (l'effacement de la particule devant son nom) qui tendrait à me faire regarder comme un imposteur, c'est mon honneur compromis que je mets sous la sauvegarde de votre excellence". Et il formule comme suit une nouvelle demande "a l'effet d'être reconnu comme étant en possession de la noblesse et d'être dénommé dans le certificat ad hoc qui? serait d'écrire "de fossa" ainsi que son père et lui se sont appelés, ainsi, depuis 1786, époque de l'anoblissement du premier, ayant toujours pensé l'un et l'autre que la qualité de noble donnait droit à faire précéder son nom de la particule de."Après avoir pris sa décision, la commission du Sceau,  en donne avis à M le Marquis de Clermont-Tonnerre dans les termes suivants: "La décision porte sur le premier point: que cet officier supérieur est effectivement fondé à prendre la qualité d'Ecuyer; et sur le second: que le droit de prendre la particule de n'existe pas, attendu qu'elle n'est nullement inhérente à la noblesse et qu'elle n'est point mentionnée sur les actes de naissance produits" (signature illisible)." Si François avait  pu mettre la bague au doigt de Sophie, la belle de Strasbourg, il n'avait pas réussi pas à faire précéder son (nouveau) nom de la très enviée particule "de": "cette friandise", aurait dit Saint-Simon." Demi-victoire cependant, puisque Fossa serait bien Ecuyer.

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En 1836, où Fossa a-t-il pu fêter son 41 ème anniversaire. Il est alors, Major (et guitariste), marié et père de trois enfants Victor 10 ans, Cécile 11 ans et Laurent 4 ans ( ce dernier né à Romans-sur Isère). Il est aussi chevalier des ordres de la Légion d'Honneur, de Saint-Louis et de Saint-Ferdinand. Son régiment le 23ème d'infanterie de Ligne a son État Major à Perpignan avec le Ier et le 2ème Bataillon, le 3eme Bataillon du Régiment étant à Montauban. Alors, un anniversaire dans une ville de garnison ou en famille. Si ce n'est pas Perpignan (ce qui n'est pas tout à fait impossible) à Romans, peut-être, voire à  Paris? On ne peut que regretter la rareté des lettres adressées à sa famille de Perpignan, les informations qu'elles peuvent contenir ne permettant pas de substituer à l'interrogation une précision de fait. A la fin de cette année 1836, apparaît dans les documents officiels, assurent les historiens, le vocable "Algérie".

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En 1846, de Paris où il vit en famille sa retraite, on ne sait pas s'il est heureux d'apprendre qu'aux dernières élections (du Ier août) son cousin Laurent Garcias, banquier-propriétaire, rentré d'Espagne en 1824; actionnaire en 1826 de la première  Cie de chemins fer St-Etienne/Lyon (qui l'a poussé à souscrire) a triomphé d'Arago par  125 suffrages contre 90 et entame une 7ème législature de député de la Monarchie de Juillet. Il l'aura été sans discontinuité de 1830 au 24 février 1842. On ne peut manquer de penser au vu d'une pièce d'archive d'inventaire après décès,  "certificat constatant que M de Fossa est inscrit sur les registres de la compagnie du chemin de fer de Saint Etienne à Lyon pour trois reconnaissances de capitalisation de dividendes arriérés depuis l'origine jusqu'au 31 octobre mil huit cent quarante deux au capital de treize cent cinquante francs chaque reconnaissance avec jouissance du premier janvier mil huit cent quarante deux", que le cousin Laurent incita François à prendre le train qui se mettait en marcheLa Compagnie du chemin de Fer de Saint-Etienne à Lyon (les frères Seguin, l'Académicien E. Biot et Cie) se constitua en 1826 avec un capital de 10 millions, partagé en 2.000 actions de 50 000 F.Contrairement à François Arago qui ne croyait pas en l'avenir du chemin de fer, François de Fossa a fait partie de l'"élite éclairée" de l'époque qui y a cru et investi. La construction du chemin de Fer Saint-Étienne / Lyon dura de 1825 à 1832. En 1845 quelques 500 kms avaient été financés par la dite "élite éclairée".  Était-il un heureux rentier, notre Major guitariste en son 71 ème anniversaire?

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